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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/62

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RIENZI.

cornée à ses oreilles, infuse dans ses pensées dès son berceau, firent que même aux premiers jours de sa jeunesse il se crut l’égal des seigneurs romains, et aspira, presque sans le savoir, à devenir leur supérieur. Mais, quand la littérature de Rome se révéla à son œil ardent et à son cœur ambitieux, il se pénétra de cet orgueil de patriotisme qui est plus noble que l’orgueil de naissance, et sauf quand on le piquait par des allusions malicieuses à son origine, il se montrait véritablement plus fier d’être un plébéien de Rome que le descendant d’un roi teuton. La mort de son frère et les vicissitudes que lui-même il avait déjà subies approfondirent les qualités sérieuses et graves de son caractère, et à la fin toutes les facultés d’une intelligence extraordinaire se concentrèrent sur un seul objet, qui emprunta à son esprit profondément religieux, mystique et patriotique tout ensemble, un caractère sacré, et devint à la fois pour lui un devoir et une passion.

« Oui, dit Rienzi, s’éveillant tout à coup de sa rêverie, oui, le jour va luire où Rome renaîtra de ses cendres ; la justice va détrôner la tyrannie, les Romains vont pouvoir se promener en sûreté dans leur ancien Forum. Nous réveillerons, dans sa tombe oubliée, l’âme indomptable de Caton. Il y aura encore une fois un Peuple de Rome ! Et c’est moi, moi qui serai l’instrument de ce triomphe, le restaurateur de ma race ! C’est ma voix qui sera la première à pousser le cri de bataille de la liberté, c’est ma main qui la première lèvera son étendard. Oui, du haut de mon âme, comme de la cime d’une montagne, je vois, déjà naissantes, les libertés et la grandeur de la nouvelle Rome, et sur la pierre angulaire du puissant édifice, la postérité lira mon nom ! »

En prononçant ces prédictions emphatiques, la personne de l’orateur semblait tout entière animée de son ambition. Il parcourait cette chambre obscure à pas ra-