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RIENZI.

le peuple vous regarde comme son ennemi ; quand s’appeler l’ami du peuple c’est passer pour un adversaire irréconciliable aux yeux des patriciens ; mais, quoi qu’il arrive, oh ! laisse-moi espérer, charmante dame, que jamais ces doutes et ces divisions ne banniront de ton cœur un gracieux souvenir de moi !

— Ah ! vous ne me connaissez guère, vous ne me connaissez pas !… commença Irène qui s’arrêta tout court.

— Parle ! parle encore ! De quelle harmonie ce silence envieux a-t-il privé mon âme ? Ainsi tu ne m’oublieras pas ? Et, poursuivit Adrien, nous nous reverrons ? C’est maintenant à la maison de Rienzi que sera notre rendez-vous ; demain j’irai rendre visite à mon compagnon d’enfance, demain je te verrai. Cela me sera-t-il permis ? »

La réponse d’Irène était dans son silence.

« Et maintenant que tu m’as dit le nom de ton frère, fais-le sonner plus doux à mon oreille, en y ajoutant le tien.

— On m’appelle Irène.

— Irène, Irène !… laisse-moi le répéter. C’est un doux nom, qui s’arrête sur les lèvres comme s’il répugnait à les quitter ; c’est un nom digne d’une personne telle que toi !

Bien accueilli d’Irène en lui faisant ainsi sa cour, dans ce langage fleuri et brillant, plus particulier à ce siècle et à la galanterie méridionale, mais qui est aussi le langage dont une jeunesse passionnée, en tout temps, en tout pays, revêtirait le magnifique délire de sa poésie, si cœur et cœur pouvaient se parler, Adrien transporta au logis le charmant objet de ses soins, tout en prenant cependant le chemin le plus détourné et le plus allongé, artifice dont Irène ne s’aperçut point ou qu’elle pardonna tacitement. Ils étaient maintenant en vue de la rue qu’habitait Rienzi, quand une troupe d’hommes, porteurs de