Aller au contenu

Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
81
RIENZI.

imminente, que le bon état va être établi. Comment le sera-t-il ? Où sont vos armes ? vos soldats ? Les nobles sont-ils moins forts que jadis ? La plèbe est-elle plus brave, plus constante ? Dieu sait que mon langage est libre des préjugés de ma caste. Je pleure sur l’abaissement de mon pays ! Je suis Romain, et à ce titre j’oublie que je suis noble. Mais je tremble à l’idée de l’orage que vous provoqueriez à tout risque. Si votre insurrection réussit, elle sera violente, elle sera achetée par le sang ; par le sang des plus hautes familles de Rome. Vous viserez à une seconde expulsion des Tarquins ; mais ce sera plutôt comme une seconde proscription de Sylla. Les massacres et les désordres ne frayent jamais le chemin de la paix. Si, au contraire, vous échouez, les chaînes de Rome sont à jamais scellées ; pour échapper aux fers, un infructueux effort ne sert qu’à excuser de nouvelles tortures infligées à l’esclave.

— Et alors qu’est-ce que le seigneur Adrien veut que nous fassions ? demanda Rienzi, avec ce sourire sarcastique à lui particulier, dont nous avons déjà fait mention. Attendrons-nous que les Colonna et les Orsini ne se querellent plus ? Demanderons-nous aux Colonna la liberté, aux Orsini la justice ? Monseigneur, en appeler aux nobles contre les nobles est chose impossible. Nous ne devons pas les supplier de modérer leur pouvoir ; nous devons nous restituer ce pouvoir à nous-mêmes. La tentative peut avoir ses dangers, mais nous l’entreprenons au milieu des monuments du Forum ; et si nous succombons, nous périrons dignes de nos ancêtres. Vous avez une haute généalogie, et des titres sonores, et de vastes domaines, et vous parlez de la gloire de vos aïeux : Nous aussi, nous autres plébéiens de Rome, nous avons nos aïeux ! Nos pères étaient des hommes libres. Où est notre héritage ? nous ne l’avons pas vendu, nous n’y avons pas renoncé ; il nous a été volé, tantôt par la fraude, tan-