Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
RIENZI.

— Sa vie restera en sûreté, ses biens en sûreté, son rang en sûreté. À qui faisons-nous la guerre ? À son pouvoir de nuire.

— S’il te soupçonnait des forces réelles en dehors de ta parole, il serait moins miséricordieux pour toi.

— Et n’a-t-il pas fait cette découverte ? Les acclamations du peuple ne lui disent donc pas que je suis un homme qu’il devrait redouter ? Peut-il, lui le prudent, l’astucieux, l’habile politique, peut-il bâtir des forteresses, construire des tours, et ne pas voir de ses remparts le puissant édifice que j’ai, moi aussi, érigé ?

— Vous ? Où donc, Rienzi ?

— Dans les cœurs des Romains ! Ne le voit-il pas ? continua Rienzi. Non, non ; lui, tous, tous les membres de sa caste sont aveugles. N’en est-il pas ainsi ?

— Bien certainement, mon parent n’a aucune foi en votre pouvoir, autrement il y a longtemps qu’il vous aurait écrasé. Non ; et il n’y a pas plus de trois jours qu’il me disait sérieusement qu’il aimait mieux vous voir adresser la parole à la multitude, que le meilleur prêtre de la chrétienté, parce que les autres orateurs enflammaient la foule, mais qu’aucun homme ne savait aussi bien que vous l’apaiser et la disperser.

— Et c’est lui que j’appelais habile ! Quand le ciel répand dans les airs le calme le plus profond, n’est-ce pas alors qu’il est le plus occupé des préparatifs de la tempête ? Oui, Monseigneur, j’entends, Étienne Colonna me méprise. J’ai figuré (ici, en continuant, une profonde rougeur vint couvrir la joue de Rienzi), vous vous le rappelez, dans son palais, du temps de ma jeunesse, je lui ai plu au moyen de contes spirituels et d’apophtegmes badins. Que dis-je ! Ah ! ah ! parfois, je pense, sa gaieté, pour me faire compliment, m’appelait son plaisant, son bouffon ! J’ai digéré son insulte, j’ai même fait la révérence à ses applaudissements. Je subirais la même pu-