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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 2, 1865.djvu/122

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RIENZI.

bles et inimaginables qui régnaient sur le palais où le maître suprême reçut les prisonniers qu’avait subjugués pour lui le glaive de la peste ?

Mais à travers cette cour plénière de la beauté, de la jeunesse vigoureuse et de la vieillesse honorée, du guerrier vaillant et du sage lettré, de l’esprit du railleur et de la piété du fidèle, une seule figure attirait les yeux d’Adrien ; elle était à part, on voyait bien qu’elle était venue la dernière. — Ses longues boucles noires flottaient encore sur ses bras et sa poitrine. Cette femme avait la figure en partie retournée (le peu qu’on en voyait n’eût pas été reconnaissable même pour sa mère), mais elle était enveloppée dans ce fatal manteau, sur lequel on voyait encore, quoique noirci et terni, le blason étoilé de ceux qui revendiquaient le nom du fier tribun de Rome. Adrien ne vit plus rien, il tomba dans les bras des fossoyeurs ; quand il revint à lui, il était encore hors des portes de Florence, appuyé sur un rempart verdoyant ; son guide était à ses côtés, tenant par la bride son cheval qui paissait patiemment l’herbe rare et flétrie. Les autres confrères de la pioche avaient repris leurs siéges sous la baraque.

« Eh bien ! vous voilà ressuscité. Ah ! j’ai bien cru que c’était l’effet des exhalaisons ; il n’y a pas beaucoup de gens qui y résistent comme nous. Maintenant que vous n’avez plus rien à chercher, comme j’ai bien pensé que vous alliez quitter Florence, s’il vous restait un grain de bon sens, je suis allé chercher votre bon cheval. C’est moi qui l’ai nourri depuis votre départ du palais. À la vérité je m’étais imaginé qu’il me resterait pour ma peine, mais, bah ! il y en a d’autres qui sont aussi bons. Venez jeune sire, montez. Je me sens de la pitié pour vous, je ne sais pourquoi, si ce n’est que vous êtes, depuis bien des semaines, le seul que j’aie rencontré qui ait plus souci d’un autre que de lui-même. J’espère que vous conviendrez