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RIENZI.

conquête la plus facile en même temps que la plus glorieuse.

— Mon frère, Dieu veuille que votre ambition ne finisse pas par un naufrage ! Vous perdez trop de vue la terre ferme. Sans doute avec les immenses richesses que nous acquérons, nous pourrions…

— Aspirer à être quelque chose de plus quedes Francs-Compagnons, généraux aujourd’hui, aventuriers demain ! Rappelle-toi comment le glaive normand a gagné la Sicile et comment le bâtard Guillaume, aux champs d’Hastings, a converti son bâton en un sceptre de roi. Crois-moi, Brettone, cette lâche et molle Italie est comme une cible de couronnes qu’une main adroite peut enlever à la pointe de la lance. Ma résolution est prise ; je vais lever la plus belle armée qu’on ait vue encore en Italie, et avec elle je gagnerai un trône au Capitole. Insensé que j’étais il y a six ans ! Si, au lieu d’envoyer à ma place ce butor de Pepin de Minorbino, j’avais moi-même déserté le service du Hongrois pour passer à Rome avec mes soldats, la chute de Rienzi eût été suivie de l’élévation de Montréal, Pepin s’est laissé prendre au piége, il a lâché la proie après l’avoir mise à bas. Le lion ne confiera plus le soin de la chasse au chacal !

— Walter, tu parles du sort de Rienzi : qu’il te serve d’avertissement !

— Rienzi ! répliqua Montréal, je connais l’homme ! En temps de paix ou avec un peuple sûr il eût fondé une grande dynastie. Mais il a rêvé de donner des lois et la liberté à des hommes qui méprisent les unes et ne veulent point défendre l’autre. Ce n’est pas comme nous ; descendants d’une race plus dure, nous savons qu’un trône nouveau doit se fonder sur un système féodal et non sur le système municipal ; il faut faire un camp de la cité. C’est par la multitude que le fier tribun a gagné sa puissance, par la multitude qu’il l’a perdue, c’est par l’épée