Aller au contenu

Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 2, 1865.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
RIENZI.

pleins d’admiration et d’orgueil, baignés de larmes délicieuses, elle ne sentait qu’une chose, c’est qu’ils étaient réunis, et que ces heures de splendeur et de magnificence allaient faire place au moment où, après une absence si cruelle, ils pourraient se retrouver seuls.

Adrien Colonna avait bien d’autres pensées, assis comme il était, seul, au fond de son palais triste et désert, dans le quartier plus désert et plus morne encore de sa hautaine famille. Irène était donc en vie ! Il avait été le jouet de quelque étrange illusion ; elle avait échappé à la peste dévorante ; et quelque chose, dans la mélancolie et la påleur que ses traits charmants conservaient jusqu’à ce jour de triomphe, lui disait qu’elle se souvenait encore de lui. Mais à mesure que son esprit revint peu à peu de ce premier transport désordonné et tumultueux, il ne put s’empêcher de se demander si leur séparation ne devait pas continuer ! Stefanello Colonna, le petit-fils du vieil Étienne, devenu (par la mort de son aïeul, de son père et de son frère,) le jeune chef de cette puissante maison, avait déjà levé son étendard contre le sénateur. Retranché dans la forteresse presque imprenable de Palestrina, il avait assemblé autour de lui tous les partisans de sa famille, et sa soldatesque effrénée ravageait alors dans tous les sens les plaines environnantes.

Adrien prévoyait qu’il ne se passerait pas longtemps avant que le Colonna et le sénateur se fissent une guerre ouverte. Pouvait-il prendre parti contre les membres de sa propre famille ? La circonstance même de son amour pour Irène ôterait à cette résolution toute apparence d’un patriotisme désintéressé, et souillerait sa réputation de chevalier d’une tache encore plus profonde et plus ineffaçable partout où les sympathies de ses égaux étaient acquises à la cause des Colonna. D’autre part, non-seulement son amour pour la sœur du sénateur, mais ses penchants secrets, ses convictions honorables l’attachaient