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RIENZI.

ceux-là ont blâmé ou raillé le tribun quand ils auraient dû condamner le peuple. Si Rome avait eu seulement la moitié de l’enthousiasme qui courait dans une seule veine du cœur de Cola de Rienzi, nous verrions peut-être encore debout l’auguste république, sinon le majestueux empire de Rome. S’il détournait ses yeux du peuple, c’était pour les reporter sur les troupes grossières et sauvages, habituées à la licence des camps de quelques tyrans, et placés sous des chefs auxquels on ne pouvait se confier sans courir à sa perte, et dont il était encore plus funeste de se défier ouvertement. Cerné, entouré de périls de tous côtés, il devenait chaque jour plus inquiet, plus défiant, plus inflexible. Tout son patriotisme ne récoltait que les malédictions dues aux tyrans. Sans avoir suivi la carrière cruelle et impitoyable, qui, à travers une vie de combats, avait porté Cromwell à un pouvoir semblable, avec une conduite au contraire pleine de grâce et de douceur, Rienzi avait pourtant avec cet homme, encore plus grand que lui, quelques points de ressemblance dans le caractère ; il avait son enthousiasme religieux, sa rigide justice, poussée souvent par la force des circonstances jusqu’à la sévérité, mais jamais brutalement barbare ou sanguinaire ; son excès d’orgueil national, et son mystérieux empire sur l’esprit des autres. Mais il ressemblait au colosse anglais bien plus par sa position que par sa nature originelle, et c’est cette similitude de position qui a donné une tournure analogue à leurs caractères vers la fin de leurs carrières respectives. Comme Cromwell, assiégé d’ennemis secrets ou déclarés, il avait toujours sous les yeux le poignard étincelant de l’assassin, et son cœur généreux, insensible à des terreurs réelles, tremblait devant des terreurs iinaginaires. Une physionomie qui rougissait et pålissait tour à tour, des yeux injectés de sang, inquiets, démentant la majesté affectée de leur mine, des lèvres frémis-