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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 2, 1865.djvu/303

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RIENZI.

sur la porte, les convives se regardèrent les uns les autres dans un muet étonnement.

De nouveaux invités ! dit Montréal : j’ai prié quelques amis intimes de venir nous rejoindre ce soir. Par ma foi ils sont les bienvenus. Entrez ! »

La porte s’ouvrit lentement ; on vit entrer, trois par trois, armés de toutes pièces, les gardes du sénateur. Ils s’avançaient à pas comptés, sans mot dire. Ils entourèrent la table du festin, ils remplirent la vaste salle, où les lumières du banquet se réfléchissaient sur leurs cuirasses comme sur un mur d’acier.

Les convives ne prononcèrent pas une syllabe : ils étaient comme pétrifiés. Les gardes alors ouvrirent un passage, et Rienzi lui-même apparut. Il s’approcha de la table, et, croisant les bras, porta résolûment son regard de convive en convive, jusqu’à ce qu’enfin ses yeux se fixèrent sur Montréal, qui s’était également levé, et qui, seul de la compagnie, avait retrouvé son sang-froid.

Et alors, comme ces deux hommes, l’un et l’autre si renommés, si fiers, si capables, si ambitieux, se trouvaient face à face, on eût cru voir littéralement les génies rivaux de la force brutale et de l’intelligence, de l’ordre et de la lutte, du glaive et des faisceaux, les principes ennemis par lesquels tant d’empires sont gouvernés et tant d’empires renversés, se rencontrer en face, revêtus de chair et d’os. Ils étaient là tous deux en silence, comme fascinés par leurs regards réciproques, tous deux d’une taille plus élevée et d’un plus noble maintien que tous ceux qui les entouraient.

Montréal, le premier parla, avec un rire forcé.

« Sénateur de Rome ! oserai-je croire que mon pauvre banquet puisse vous tenter, et faut-il que je voie dans cette escorte d’hommes en nes un honneur que vous avez voulu faire à un chevalier dont les armes sont le passe-temps favori ? »