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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 2, 1865.djvu/329

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RIENZI.

voir si belle mine à mon maître, repartit Angelo. Ne désire-t-il pas vivre maintenant ?

— Oui, peut-être, jusqu’à ce que j’aie vu seulement ressusciter la vertu romaine. Mais nous sommes toujours les jouets de la fortune : satisfaits aujourd’hui, demain abattus !

— Demain, répéta machinalement Villani ; oui, demain peut-être abattus !

— Il me semble que tu te moques de moi, jouvenceau, dit Rienzi d’un ton un peu courroucé, en s’éloignant.

Mais Villani ne prit point garde au déplaisir de son maître. Le banquet fut nombreux et brillant ; et Rienzi, ce jour-là, jouait, sans le moindre effort, le rôle d’un hôte plein de courtoisie.

Milanais, Padouans, Pisans, Napolitains, rivalisaient entre eux pour s’attirer les sourires du puissant sénateur. Ils lui prodiguaient les compliments, ils l’accablaient de promesses d’alliance. Pas un souverain en Italie ne paraissait plus sûrement assis sur son trône.

Le banquet finit de bonne heure (selon l’usage des repas officiels) ; et Rienzi, un peu échauffé par le vin, sortit seul du Capitole pour faire une promenade. Dirigeant ses pas solitaires vers le mont Palatin, il voyait ces brouillards, ces vapeurs blanchâtres, semblables à un voile, qui succèdent au coucher du soleil, tomber sur les moissons d’herbes sauvages qui ondoient sur le palais des Césars. Du haut d’un rempart de ruines, de colonnes et d’arcs de triomphe renversés, il se tenait debout, les bras croisés, absorbé dans ses réflexions. Dans le lointain, gisaient les mélancoliques tombeaux de la campagne de Rome, et les collines environnantes, couronnées de teintes purpurines, semblaient se fondre sous les rayons des étoiles. Aucune brise n’agitait le sombre cyprès ni le pin immobile. Il y avait quelque chose d’imposant dans le silence des cieux planant ainsi sur les grandeurs désolées