Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 2, 1865.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
RIENZI.

aimée aujourd’hui que je suis au désespoir, adieu ! Puissent les anges calmer ta douleur et me garder du péché afin que plus tard nous puissions au moins nous revoir ! »

« Il m’aime, il m’aime encore ! dit la jeune fille pleurant enfin. Me voilà redevenue heureuse ! »

Cette lettre pressée sur son cœur soulagea en apparence sa profonde affliction ; elle accueillit son frère par un sourire, Nina par des embrassements ; et si elle nourrit toujours sa douleur et sa peine, ce fut une douleur, une peine secrètes, le ver qui ronge le bouton de la fleur. Cependant, après les premiers transports de la victoire, Rome vit les pleurs succéder à la joie ; le carnage avait été si grand que le triomphe public fut noyé dans la douleur privée. Combien d’affligés reprochèrent à leur défenseur même les coups mortels portés par l’épée des assaillants ! Comme dit l’histoire, Roma fu terribilmente vedovata. Les nombreuses funérailles émurent profondément le tribun, et sa sympathie pour son peuple ne fit que rendre son indignation plus ardente contre les barons. Comme tous ceux qui ont une religion vive, passionnée, jalouse, le tribun ne pouvait pardonner des crimes qui blessaient sa religion au cœur. Le parjure, à ses yeux, était le crime le plus bas, le plus inexpiable, et les barons tués dans la bataille avaient été deux fois parjures ; dans l’amertume de son courroux, il interdit pendant quelques jours à leurs familles de pleurer sur leurs restes, et ce ne fut qu’en particulier et en secret qu’il permit de les ensevelir dans les caveaux de leurs ancêtres ; vengeance cruelle qui souillait ses lauriers, mais qui ne s’accordait que trop avec l’inflexible patriotisme de son caractère ! Impatient de finir son œuvre commencée, brûlant de marcher tout d’un coup à Marino, où les insurgés rassemblaient leurs forces dispersées, il convoqua son conseil, et lui fit voir la certitude de la victoire