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RIENZI.

comme la tombe. Il se jeta sur les coussins empilés au centre d’un de ces appartements, car il avait, ce matin-là, fait beaucoup de chemin, toujours à cheval, ainsi que les jours précédents, et il était fatigué, épuisé dans tous les membres de son corps ; mais il ne put trouver de repos. L’impatience, l’anxiété, l’espérance, la crainte rongeaient son cœur et faisaient circuler une fièvre brûlante dans ses veines. Après une courte et infructueuse tentative pour calmer ses pensées et pour former un plan de recherches plus sûr que de s’abandonner aux chances du hasard, il se leva et traversa les appartements, dans cette espérance indéfinissable que la fortune seule peut inspirer.

Il était facile de voir qu’il avait pris pour son refuge la demeure d’un des princes de ce pays, et la splendeur de tout ce qui l’entourait dépassait de bien loin la magnificence barbare et grossière des Romains, alors moins civilisés. Ici gisait le luth, tel qu’on l’avait touché la dernière fois et le livre doré et enluminé tel que la dernière fois on l’avait feuilleté ; là des siéges étaient rapprochés familièrement, comme quand la dame et le galant avaient échangé tout bas leurs derniers murmures d’amour.

« Quand on pense qu’un lieu si désert, pensa Adrien, un lieu si désolé peut engloutir en un instant les traces de l’hôte qui s’y présente au hasard, aussi bien que celles du maître disparu ! »

Enfin il entra dans un salon, où était une table encore garnie de flacons de vin, de gobelets de verre, et d’une coupe d’argent, de fleurs fanées, de fruits à demi gâtés et de comestibles de tout genre. D’un côté, les tapisseries des portes à deux battants s’ouvraient sur un large escalier qui descendait à un petit jardin sur les derrières de la maison et où une fontaine continuait le jeu de ses cascades étincelantes, le seul objet, avec l’étranger, qui eût apparence de vie en ces lieux ! Sur les marches était étendu un manteau cramoisi, et à côté, un gant de dame.