Page:Méchin-Desquins - Traduction libre de la cinquième satire de L. Arioste, 1846.djvu/6

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Je dis plus : s’il résiste aux charmes du ménage,
L’homme se flatte en vain de rester toujours sage.
Tel qui ne peut chez lui rencontrer les plaisirs,
Court dérober ailleurs l’objet de ses désirs.
À la table d’autrui son appétit s’aiguise.
La perdrix à son goût, hier, était exquise ;
La caille, le faisan ont aujourd’hui leur tour.
Oui, l’homme sans compagne est aussi sans amour.
Aux innocents plaisirs jamais son cœur ne s’ouvre,
Et la tendre pitié fuit le toît qui le couvre.
Qui jamais, sous le froc, eût un cœur généreux ?
Des murs de Reggio, citoyens malheureux,
De vos tyrans en froc aimez-vous la puissance ?
Tu ne l’aimes pas mieux sous le joug qui t’offense,
Modène ! Mais ton sort ne saurait me toucher ;
Dois-je plaindre des maux qu’on se plut à chercher ?


Si donc au joug d’hymen tu dois offrir ta tête,
Ami, que sans tarder ton union s’apprête.
Ne va pas, imitant notre insensé docteur,
Attendre, pour t’unir, l’âge de la langueur ;
Que le dieu de Naxos réchauffe la vieillesse,
Toi, consacre à Cypris les feux de ta jeunesse.
Toujours on peint l’hymen frais, jeune, vigoureux.
Le vieillard tourmenté d’un désir amoureux
Se croit nerveux encor, malgré sa barbe grise ;
Mais l’épreuve, bientôt, lui montre sa sottise,
Et la jeune moitié qu’il a trompée ainsi
Ose, dans les accès de son cuisant souci,
Accepter le secours d’une main vengeresse.
Supposons que, soumis aux lois de la sagesse,
Elle a sacrifié le dépit à l’honneur :