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jules bloch

Le timbre des voyelles intérieures cependant semble déjà à cette époque sujet à s’altérer. Dans κότυμβα, le υ pourrait à la rigueur s’interpréter comme une notation de i ; mais le Périple fournit un témoignage beaucoup plus intéressant dans la forme δάχανος ; le passage vaut d’être cité en entier : Μετὰ δὲ τὰ Βαρύγαζα εὐθέως ἡ συναφὴς ἤπειρος ἐκ τοῦ βορέου εἰς τὸν νότον παρεκτείνει· διὸ καὶ Δαχιναβάδης καλεῖται ἡ χώρα· δάχανος γὰρ καλεῖται ὁ νότος τῇ αὐτῶν γλώσσῃ (§ 50). Il semble bien qu’on soit ici en présence de deux couches linguistiques : l’état le plus ancien est conservé dans le nom propre, l’état récent apparaît dans le nom commun (cf. moderne Dakkhan). Il semble donc probable que dès le ier siècle de notre ère, les voyelles médianes, au moins ĭ, avaient une tendance à se décolorer ou à subir l’influence des phonèmes voisins[1].

CONSONNES

Malgré la variété des formes transmises par le Périple, le nombre des questions sur lesquelles il nous éclaire est restreint. En effet plusieurs catégories de phonèmes ne peuvent être transcrites, ou ne peuvent l’être qu’imparfaitement, en grec.

1o Les cérébrales, sourdes et nasales, ne peuvent être distinguées des dentales. Ex. : Συραστρηνή, κότυμβα, δάχανος, Παίθανα. C’est cependant qui est probablement transcrit par ρ dans Λιμυρική, Κοττοναρική, noms dravidiens ; il faudrait aussi le reconnaître dans Σαραγάνης, si ce mot représentait Sātakaṇi comme le conjecture M. A.-M. Boyer (Jn. As., 1897, II, p. 138 ; cf. p. 149, n. 2) ; mais les formes intermédiaires qu’il suppose, *Sāṭagaṇi, *Sāḍagaṇi, ne sont attestées nulle part ni dans les textes ni dans les inscriptions, et rien ne nous autorise à les restituer. Il semble bien plutôt qu’il faille reconnaître dans Σαραγάνης le nom

  1. Le pâli possède les doublets pana et puna, qui se retrouvent tous les deux dans les inscriptions d’Açoka. Mais comme les sens sont différents en pâli, et peut-être dans les inscriptions, il reste possible qu’il ne s’agisse pas uniquement du correspondant de skr. punaḥ (voir T. Michelson, IF, XXIII, p. 258 et note).