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LA LITTERATURE NORMANDE AVANT L ANNEXION 97

vins. La conquête de la Grande-Bretagne sépara encore plus nettement les Normands des Français : le duc de Normandie, devenu roi d'Angleterre, traita presque d'égal à égal avec le roi de France, bien qu'il restât nominativement son vassal, et les seigneurs normands, investis pour la plupart outre-mer de fiefs bien plus considérables que ceux qu'ils possédaient sur le con- tinent, firent de l'île conquise leur seconde et bientôt même leur vraie patrie. Il se forma un sentiment national nouveau, qui embrassait l'Angleterre et la Normandie, et se détachait de plus en plus de la France. Quand Henri Plantegenêt ' joignit à la double possession de ses prédécesseurs son domaine propre, l'Anjou, le Maine et la Touraine, puis, par son mariage avec Aliénor, le Poitou et la Guyenne, enfin la Bretagne, le royaume de France se trouva singulièrement rétréci en face de cette puis- sance à la fois continentale et insulaire, qui aurait peut-être fini par l'englober sans les dissensions, habilement fomentées par Louis VII et Philippe II, qui éclatèrent entre Henri et ses fils. A ce moment de leur histoire, les Normands, rattachés de cœur à la dynastie angevine, voyaient dans les Français des ennemis bien plus que des compatriotes. Ce sont ces senti- ments dont nous trouvons l'expression, tantôt sérieuse, tantôt mordante, chez les poètes normands du temps. J'en veux citer deux curieux témoignages qui feront revivre sous vos yeux les passions éphémères d'une époque depuis longtemps disparue. Le premier est de Wace. Il se trouve dans cette partie de la Geste des Normands qui en formait le début, et qui, détachée par hasard de la suite et conservée seulement dans une copie récente, n'a pas été jusqu'à ces derniers temps reconnue pour ce qu'elle est réellement, a été imprimée sous le nom de Chronique ascendante, et a même été regardée comme apocryphe par des critiques ingénieux, bien qu'elle porte en tête le nom de son auteur^. Après avoir écrit en iiéo ce prologue de son poème, Wace y ajouta un assez long morceau en 1174,

��1 . C'est aiasi qu'il faut dire, et non Plantagenel, forme barbare, pour rendre le Plantagenistam des clironiques latines. Il existe encore en Normandie des familles qui portent le nom de Plantegenêt [cf. ci-dessus, p. 39, n. i].

2. Voy. sur ce point l'article de la Romania cité plus haut, p. 85, n. 5.

G. Paris. — Moxen âge. 7

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