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Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/103

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LA LITTERATURE NORMANDE AVANT L ANNEXION 99

Ce curieux petit poème en quatrains monorimes de huit s}'!- labes a dû être écrit bien peu de temps avant que la Normandie fût détachée de l'Angleterre et définitivement réunie à la France. Il est inspiré par ce sentiment national passager dont je parlais tout à l'heure, qui embrassait avec l'Angleterre et la Norman- die tout l'ouest de la France. André assure que les sentiments qu'il exprime sont ceux des « Anglais, Bretons, Angevins, Man- ceaux, Poitevins et Gascons ». Tous sont unis contre les Fran- çais, tous, par une singulière fusion, regardent Arthur comme leur héros, et se rangent sous la bannière d'Arfiet de Northum- berland, roi des buveurs de cervoise, personnage fictif, qui doit pourtant son nom au grand Saxon Alfred.

Le poème d'André de Cou tances nous est parvenu par un très heureux hasard, car ces œuvres de polémique momentanée ne se conservent guère ; mais nous voudrions bien avoir celui auquel il répond. C'était une satire française dirigée contre les Anglais (et sans doute aussi contre les Normands), contre Arflet, dont on se moquait, contre Arthur, auquel on faisait le reproche, qu'on répétait encore plus tard aux Bretons quand on voulait les mettre en fureur, d'avoir été tué par le grand chat Chapalu, qui avait ensuite conquis l'Angleterre et porté la couronne d'Arthur '. Voilà ce que les Français, dit André, ont rimé « près du pot où ils font bouillir six pois », et ce à quoi André veut répondre par icelcs vichnies leis, c'est-à-dire dans la même forme poétique. L'histoire d'Arthur et du chat n'est qu'un mensonge prouvé, inventé par les Français, ces malheureux, ces patarins ~, ces mal nourris et tard couvés. La vérité, c'est

��Le Roman des Franceis a été imprimé par Jubinal, Nouveau recueil de contes, dits, fabliaux (Paris, 1845), t. II, p. i -12, d'après le manuscrit unique qui nous l'a conservé. Je compte en donner une édition critique et commentée [projet non réalisé].

1. Sur ce curieux épisode delà légende arthurienne, M. E. Freymoud vient de publier une étude extrêmement savante où la question est traitée sous tous ses aspects, Artus' Kanipf mit dem Katienungetihn (Halle, Nie- meyer, 1899, extrait des Beitriige yUr roinanischen Philologie, Festgabe fur Gustav Grôber).

2. Les patarins sont proprement des hérétiques venus d'Italie; mais en France le mot était devenu un vague terme de mépris.

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