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LA LITTERATURE NORMANDE AVANT L ANNEXION IO3

lation qui, du haut en bas, était décidée à une énergique résistance. Le sentiment français alla toujours en se fortifiant dans la province, et elle ne tarda pas à oublier complè- tement le temps où elle s'envisageait comme faisant corps avec l'Angleterre et regardait la France d'un mauvais œil. Vous savez quel patriotisme les Normands montrèrent dans la guerre de Cent ans \ les luttes héroïques dont le Mont- Saint-Michel fut le centre, les complots et les insurrections- populaires qu'a si bien fait revivre M. Armand Gasté ^ Vous savez quels vaillants soldats, quels audacieux marins, dignes héritiers des aventuriers d'autrefois, la Normandie a fournis à la France. Vous savez aussi que dans l'ordre littéraire elle n'a pas apporté à la mère-patrie une moins riche contribution : elle lui a donné l'éloquence patriotique d'Alain Chartier, la lumi- neuse raison de Malherbe, la haute et fière pensée du grand Corneille, la finesse de Fontenelle, la critique acérée de Richard Simon, la grâce attendrie de Bernardin de Saint- Pierre, la puissante vision de Flaubert, le réalisme plastique de Maupassant, Toutes les qualités de ces grands écrivains sont bien françaises ; elles sont en même temps bien nor- mandes. Elles se retrouvent toutes en germe chez les auteurs des temps lointains dont je vous ai entretenus. C'est encore, je le veux bien, chez ces vieux poètes, le bégaiement de l'en- fance qu'on entend, mais d'une enfance robuste et saine, qui annonce déjà ce que sera la virilité. Ils donnent une des notes principales, la note fondamentale peut-être, de notre littérature. Elle en a d'autres, à coup sûr, qui l'harmonisent richement. Je ne veux nullement déprécier la poésie roman- tique, et si c'était ici le lieu, j'aimerais à montrer que la pen- sée la plus lumineuse, pour s'insinuer dans le cœur après avoir pénétré la raison, gagne à s'envelopper de rêverie. Mais il n'en est pas moins vrai que c'est la raison et la clarté qui sont nos qualités maîtresses, et que ces qualités, les Nor- mands, de tout temps, les ont eues par excellence. Elles préexis-

��1. Vov. S. Luce, Chronique du Moiit-Saiiit-Mkhcl, 2 vol. (Paris, Didot, 1879 et 1883, Soc. des anc. textes français) .

2. A. Gasté, Les insirrircfions populaires en Woniiaudie au XJ'e .wV'r/c (Caen, H. Delesques, i{

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