Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

AIOUL 117

Les vers alexandrins qui partagent le poème avec ceux-là ne les remplacent pas brusquement ni même nettement. La pre- mière laisse (v. 1-73), qui contient le prologue, est toute en alexandrins, et le décasyllabe qui s'y est glissé est peut-être imputable au copiste (v. 62). La deuxième laisse (v. 74-122) est en alexandrins, mais elle contient déjà six vers (75, 89, 97, 109, 112, 113) décasyllabiques ; elle se termine par cinq décasyllabes, et presque tous les alexandrins en peuvent facilement se ramener à cette mesure (ce qui n'est nullement le cas pour la première laisse et la seconde partie du poème). De grands morceaux en alexandrins sont intercalés par la suite (v. 1625-1885 avec six décasyllabes dans la première laisse, V. 4562-4864 avec deux décasyllabes dans la première laisse). A partir du vers 4971, les alexandrins sont tout à fait prédominants : on rencontre encore trois décasyllabes de suite aux vers 5177- 5179, trente et un aux vers 5338-5368 (avec deux alexandrins isolés), et quatre isolés (vers 5018, 5320, 5590, 5601); mais ces dernières traces disparaissent bientôt, et les 5000 derniers vers sont des dodécasyllabes corrects, sauf les erreurs, assez rares d'ailleurs, du copiste'.

Comment s'explique cette singulière construction du poème? Tous ceux qui s'en sont occupés ont reconnu qu'on avait là un remaniement dans lequel des parties de l'œuvre primitive ont été laissées intactes; mais il est difficile de bien comprendre le travail du remanieur. M. Fôrster a présenté sur ce point une conjecture fort ingénieuse. Il admet que le remanieur a eu sous les yeux un manuscrit, défectueux en plusieurs endroits et gra- vement incomplet, du poème origi-nal ; il a respecté la partie intacte, suppléé par des alexandrins de sa façon aux lacunes acci- dentelles, et terminé le tout à sa manière, peut-être en se gui- dant sur les souvenirs d'une audition ou d'un récit-. Toutefois

��1. Les vers 7837, 9184, 9620 sont ainsi altérés; M. Fôrster (p. xxxiii) les compte comme décasyllabes ; mais les éditeurs français ont eu raison de leur restituer la forme d'alexandrins.

2. M. Fôrster trouve une trace de cette source orale dans un passage de la partie en alexandrins (v. 5534) où le poète dit : J'oï dire mon iiicstre. . . . Mais la même formule se retrouve dans la partie en décasyllabes (v. 1041): J'oï le mestre dire

�� �