Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

AIOUL 121

songe en question : Macaire sort de la prison ou il avait été jeté, surprend Aioul et Mirabel sa femme au milieu des fêtes de leurs noces, et les retient de longues années dans un cachot souter- rain. Leurs deux fils, jetés par lui dans le Rhône, sont sauvés par un pêcheur et élevés par le roi de Venise, Grasien. Macaire, assiégé par Louis, sort de Lausanne, conduit ses prisonniers à Pampelune, où il se fait sarrasin pour obtenir le secours du roi Mibrien, père de Mirabel. Aioul, délivré par des brigands, retrouve ses fils auprès de Grasien et vient, avec les Français et les Vénitiens, assiéger et prendre Pampelune ; Mirabel est délivrée, Mibrien se convertit, tous les parents et les enfants se reconnaissent, Macaire est enfin écartelé, et tout finit à la satisfaction générale.

Si l'hypothèse que j'ai émise plus haut est juste, notre chan- son a donc passe par trois phases successives : i° épisode de la chanson d'Élie ; 2° poème à part, encore en vers décasyllabiques, augmenté de la conquête de Mirabel par Aioul et de l'histoire de leurs fils ; 3° amplification à l'aide d'une longue ajoute en vers alexandrins, qui n'a pas conservé la fin de la forme antécé- dente et a introduit une masse d'aventures nouvelles.

L'intérêt des trois éléments du poème, tel que nous l'avons, va décroissant avec leur ancienneté, comme il est naturel. La première amplification n'est cependant nullement dénuée de mérite (le caractère de Mirabel, par exemple, est moins banal que celui d'autres héroïnes semblables, et toute l'histoire de son enlèvement est d'un amusant romanesque), et dans la seconde même on rencontre des parties agréables (comme l'épisode des enfants jetés au fleuve et de leur sauvetage par le pêcheur); mais c'est le centre même, le noyau primitif du poème, qui a fait son succès jadis ' et qui mérite encore surtout l'attention. On y voit un tout jeune homme, presque un enfant, inconnu, mal équipé, couvert d'armes rouillées et ridicules, après avoir excité les railleries de tous et les avoir supportées avec patience, se couvrir cie gloire, devenir l'objet de l'admiration générale,

��I . Les allusions faites à Aioit] dans la poésie française et provençale se rapportent presque toutes clairement à cette partie, comme l'a déjà remarqué M. Fôrster.

�� �