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qui conviendrait au moins aussi bien à un conte breton, et l'on peut se demander si déjà dans notre poème il n'y a pas quelque influence de la matière de Bretagne. L'inexpérience d'Aioul rappelle celle de Perceval' et d'autres héros du même genre, et les aventures multiples qu'il rencontre, soit en venant à Orléans, soit en ramenant Mirabel, ont leur pendant dans plus d'un roman de la Table ronde. Je suis toutefois porté à croire que l'hypothèse inverse aurait plus de chance d'être vraie, et que Chrétien et ses successeurs ont pu trouver dans les chansons de geste la première idée de plus d'un des motifs qu'ils.ont déve- loppés-. Remarquons d'ailleurs que les aventures d'Aioul n'ont qu'en passant ce caractère tout individuel et romanesque. Il s'agit pour lui, non seulement de gagner du « prix » et d'arriver à être un preux chevalier, mais de revendiquer les fiefs dont son père a été injustement dépouillé par le roi de France: c'est par là que notre chanson rentre dans l'épopée féodale, et qu'à l'ori- gine elle y tenait sans doute bien plus étroitement encore.

Le poème originaire semble se rattacher par plus d'un lien au centre de la France : l'auteur connaît bien le chemin qui va de Poitiers à Orléans ; à Orléans même il connaît les portes, le marché, la « vieille barrière » (v. 2000). D'autre part, M. Fôrster a réuni des faits de langage qui semblent établir que le poème n'a pas été écrit dans l'Orléanais ou dans la France propre ; je ne vois pas non plus qu'ils soient décisifs pour la Picardie, et je crois, comme le savant critique paraît l'admettre aussi dans une note additionnelle, qu'ils peuvent se concilier avec une origine champenoise . Le fait que la grande masse de

��1 . Surtout dans VAjoîfo italien ; mais les traits de ce genre qui s'y trouvent ont été ajoutés plus tard, et ont fort bien pu l'être sous l'influence précisément du Poxeval. Nous retrouvons encore ce trait même d'un enfant élevé dans la solitude et apprenant peu à peu le monde et la chevalerie au début des Enfants d; Doon de Mayence.

2. L'idée d'une origine bretonne pour Aioul a été émise en Allemagne par M. Reimann et combattue par M. Fôrster (p. xxxvi). La mention des chevaux d'Arthur, qui tuent tout ce qui les approche (v. 937), prouve seu- lement que le poète connaissait des légendes sur Arthur, ce qui était géné- ral dus la première moitié du xii^ siècle.

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