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172 L EPOPEE

Dès lors le dénouement devait être autre; on ne pouvait, dans l'épopée française, admettre une victoire définitive des païens : le roi français échappe au sort de Rodrigue en appelant Char- lemagne à son aide, et le vieil empereur passe une dernière fois les Pvrénées pour réparer les fatales conséquences de la faute commise par celui auquel il avait confié sa conquête. Cela enlève assurément au thème lui-même beaucoup de ce qu'y ajou- tait d'intérêt tragique la catastrophe qui fait tant maudire la Cava dans les romances ; mais cela rentrait dans la poétique ordinaire des chansons de geste, d'après laquelle le désastre de Roncevaux avait successivement reçu une première, puis une plus complète, et enfin une incomparable revanche. Le trou- veur qui greffa ainsi ce rameau d'emprunt sur notre vieux tronc épique l'y rattacha d'ailleurs encore plus intimement en faisant du roi sarrasin appelé par le vieil Isoré de Conimbres (substi- tué au comte Julien) ce même Marsile qui avait conclu avec Ganelon le pacte fatal de Roncevaux : il supposa, contrairement à tous les textes, que Marsile n'était pas mort à la suite des combats pyrénéens, et qu'il s'était enfui outre mer' ; fait pri- sonnier par Charlemagne dans la bataille qui termine le poème, il expie par la mort le désastre de Roncevaux plus encore que sa dernière tentative. Puis Charlemagne rentre à Aix, où il ne tarde pas à mourir, laissant Anseis en paisible possession de l'Espagne.

Cet Anseïs est donné comme le fils de Rispeu de Bretagne, personnage qui figure dans plusieurs chansons, et qui n'est autre

��plus ancienne épopée, en rapport avec ce pays. On ne peut s'empêcher encore ici de songer à Henri de Bourgogne, le conquérant du Portugal.

I . Où s'est enfui Marsile ? Notre poème ne le dit pas expressément : il nomme seulement sa capitale Morinde, nom que nous retrouvons ailleurs comme celui de la résidence antérieure de Marsile en Espagne même (voy. Koiiiania, XI, 489). D'après la Seconda Spai:;tia, Isoré trouve Marsile établi « nella città di Camin (ici une lacune dans le manuscrit suivi par l'éditeur) (sui confini] d'India la maggiore ». Comment Marsile se trouve-t-il de nou- veau en possession d'un puissant royaume ? Le poème français ne nous le dit pas ; le roman italien semble indiquer qu'il est reçu chez son frère Ismar (la lacune signalée plus haut rend cet endroit peu clair).

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