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244 LE ROMAN

la sagacité de l'éditeur, il faudrait citer les passages si nom- breux où de leçons défigurées, incohérentes et contradictoires, il a su tirer un texte plausible. Il y avait peu de tâches plus difficiles, dans le domaine de la philologie française, que l'édi- tion de Cligès ; il n'y en a peut-être pas qui aient été mieux remplies.

��II

LE POÈTE.

Chrétien de Troies est le plus fameux des poètes français du XII*' siècle. Ses contemporains déjà, probablement, et en tous cas ses successeurs immédiats, en France, l'ont mis au premier rang ', et il n'a pas joui d'une moindre faveur chez les étrangers. Plusieurs de ses poèmes ont été traduits en anglais, en gallois, en néerlandais, en allemand, en norvégien-. La plupart des tra- ductions ont, il est vrai, omis de le nommer; ce n'est qu'en Allemagne que non seulement son oeuvre a été adoptée, mais

��1. Il suffit de rappeler ici les passages souvent cités du prologue d'un conte dévot (voir plus loin), de Gerbert (l'un des continuateurs du Perceval), de Hunibaiit, du Chevalier à Vépée, du Percerai en prose, de Huon de Méri, d'une /fl/r(75/V, du roman de Ham, de l'Ovide moralisé, etc. 11 faut ajouter que les poètes de la fin du xiP siècle et du commencement du xiii^ siècle sont pleins de réminiscences et d'imitations de Chrétien, et que les grands romans arthuriens en prose ont été en partie édifiés sur le fondement de ses poèmes.

2. Il est remarquable que les traductions de Chrétien n'appartiennent qu'aux nations septentrionales. Ni l'Italie ni l'Espagne, si je ne me trompe, n'en pré- sentent : ce sont presque exclusivement les romans en prose qui, dans ces contrées, représentent notre « matière de Bretagne ». Cela tient à ce que les traductions proprement dites (différentes des adaptations de chansons de geste) y ont commencé à une époque où les poèmes de Chrétien étaient déjà un peu vieillis et difficiles à comprendre, tandis que les romans en prose étaient dans toute leur vogue (voir les célèbres passages de Brunet Latin dans son Trésor et de Dante doins le De vulgari eloquentia et dans l'épisode de Francesca).

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