Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/277

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nommé Alis. Arrivé à l’adolescence, Alexandre veut aller à la cour d’Arthur, dont la gloire remplit le monde, afin d’être armé chevalier par lui. Son père et sa mère essaient de le détourner de son projet, mais enfin le laissent partir. Il arrive en Bretagne : Arthur le reçoit très bien, et promet de le faire chevalier avec les douze compagnons qu’il amène. Le jeune étranger se fait aimer de tous, particulièrement de Gauvain, neveu d’Arthur, qui était, bien avant Chrétien, le héros breton par excellence, type achevé de valeur et de courtoisie. Arthur se rend dans son autre royaume, la Petite Bretagne’, et confie l’Angleterre au comte de Windsor Engrès. La reine, — qui n’est pas nommée dans le poème, — l’accompagne, emmenant la jeune Soredamours -, sœur de Gauvain, aussi fière que belle, qui n’a jamais aimé et croit pouvoir fermer toujours son cœur à l’amour; mais en voyant Alexandre sur le navire, elle s’en éprend malgré elle, et, la nuit, exprime dans un monologue ses sentiments contradic- toires. Alexandre, de son côté, s’est épris d’elle non moins su- bitement; mais aucun des deux n’ose laisser voir à l’autre ce qu’il éprouve. La reine remarque leur trouble, mais elle le met sur le compte de la mer. On arrive en Bretagne, et Alexandre, qui visite assidûment la reine et voit souvent Soredamours, se sent de plus en plus pris. Il se livre à son tour à un long mono- logue, pendant que Soredamours s’en débite un second non moins long. Ils passent ainsi quelques semaines dans le tour- ment. Mais voilà que d’Angleterre arrivent de graves nouvelles : Engrès s’est révolté et a occupé Londres. Le roi repart en hâte

1. Le poète appelle indistinctement Bretagne l’Angleterre et la Petite Bretagne, ce qui est assez incommode. Il remarque (v. 16) que l’Angleterre estait lors Bretagne dite. Sur la Petite Bretagne il est d’ailleurs aussi mal renseigné qu’il l’est bien sur la Grande : il n’en cite pas un seul nom de lieu.

2. Je ne sais où Chrétien a trouvé le modèle de ce nom, qui a été souvent imité’ par ses successeurs. Il le fait longuement commenter par Soredamours elle-même (v. 962-988), qui nous apprend que la première partie est le fémi- nin de l’adjectif 50^, « blond brillant » ( « blond doré », à en juger par une autre remarque qu’elle fait, assurant que sore équivaut à sororee, « dorée par dessus »). Ce commentaire de Soredamours sur sou nom me porterait à croire que ce nom n’est pas de l’invention de notre poète.