Aller au contenu

Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

278 LE ROMAN

un des motifs principaux (l'héroïne, qui ne voulait pas connaître , Amour, en devient la docile sujette), mais qui s'étend parfois aux expressions mêmes, et prouve l'imitation d'Enéas par Chrétien. Comparez les vers suivants :

��ENEAS. CLIGES

81 16 Ja m'cstranjoe jo de lui : 1050 ... Toz jorz m'en suis estrangiee :

Son vengemcnt en a bien pris. Or le me fait chicr comparer.

8185 Amors a escole m'a mise : 945 Or vueil amer, or sui a maistre:

En poi d'ore m'a molt aprise. Or m'aprendra Amors. . .

Le monologue d'Alexandre (v. 625-872), encore plus long que celui de Soredamours ', appartient plus entièrement à notre poète; il y déploie une subtilité dans laquelle il se complaît tant qu'il en vient à oublier que c'est un amoureux qui s'en- tretient avec lui-même, et qu'il le fait pousser des arguments en forme et annoncer d'avance, comme un rhéteur, le dévelop- pement qu'il va donner à ses thèmes. Ainsi Alexandre, se demandant comment Amour a pu blesser son cœur par son œil sans lui crever l'œil, ajoute gravement:

De ce sai je bien raison rendre,

et continue par une longue comparaison, fort confuse d'ailleurs, entre le cœur dans le ventre et la chandelle dans la lanterne. Puis il accuse son cœur et ses yeux, qui devraient lui être fidèles, d'être devenus ses ennemis, et fait une digression sur le mal que causent à leur seigneur de « mauvais sergents ». Puis, revenant à sa blessure, il reprend par ces vers, où on voit clairement que le poète ne songe plus que c'est Alexandre qui parle, et s'adresse à ses auditeurs :

��I. C'est encore un thème qui revient souvent dans les romans d'amour du moyen âge, que les nuits d'insomnie (avec monologue) de l'amoureux et de l'amoureuse mises en pendant. Nous le trouvons dans Piramiis, dans Encas, et plus tard dans Iponiédon, etc.

�� �