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284 LE ROMAN

Grèce, et raconte que le naufrage a eu lieu lors du voyage de retour, et qu'Alexandre a été noyé avec les autres ; sur quoi on couronne Alis. Mais bientôt, — comme c'était à prévoir, — Alexandre apprend ce qui s'est passé ; il part avec Soredamours et son fils, et débarque au port d'Athènes, où se trouvait pré- cisément' Alis. Il envoie à son frère un chevalier pour lui réclamer l'empire ; mais Alis déclare qu'Alexandre est mort : s'il ne l'est pas, qu'il vienne à la cour, l'empereur lui assignera des terres. Le messager d'Alexandre défie Alis et part. Alis prend conseil de ses barons, qui le détournent d'entrer en lutte avec son frère et lui rappellent la funeste guerre d'Etéoclès et de Polinicès. Alis envoie alors dire à Alexandre qu'il est prêt à lui céder le pouvoir si Alexandre lui laisse le titre d'empereur; Alexandre y consent à une condition : c'est qu'Alis ne se mariera pas, et que Cligès sera empereur après lui. La condi- tion est acceptée, et ainsi, pendant quelque temps, Alis règne et Alexandre gouverne. Mais bientôt Alexandre tombe grave- ment malade ; se sentant près de la mort, il fait venir son fils, et lui recommande d'aller éprouver sa valeur en Bretagne, sans se faire connaître, et de s'y mesurer avec les "meilleurs, même avec son oncle Gauvain. Puis il meurt, et Soredamours en a tant de chagrin qu'elle le suit de près dans la tombe. Alis reste empereur, et pendant longtemps, fidèle à sa promesse, s'abstient de prendre femme ; mais de mauvais conseillers l'engagent à se marier et lui indiquent une épouse digne de lui, la fille de l'empereur d'Allemagne ; on l'envoie demander à son père, qui est fort heureux de ce mariage et accorde sa fille à Alis, bien qu'il l'ait déjà promise au duc de Saissoigne (Saxe) ; il invite Alis à venir chercher sa fiancée à Cologne, en le prévenant d'amener avec lui de grandes forces, car le duc essaiera certai- nement de la lui ravir. Alis part en effet à la tête d'une armée, accompagné de son neveu Cligès, alors âgé de près de quinze ans, lequel semble être au mieux avec son oncle et ne proteste en aucune façon contre un manquement de foi qui doit le priver de l'empire auquel il a droit.

Toute cette combinaison est d'une invraisemblance et d'une maladresse frappantes. Chrétien a évidemment voulu atténuer les torts de Cligès, — qui, neveu d'Alis comme Tristan l'est de Marc, lui enlève, comme celui-ci, l'amour de sa femme, — en

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