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C LIGES 287

qui réclame Fénice pour son oncle et prévient Alis, s'il l'emmène, qu'elle lui sera disputée. En s'en allant, il provoque à bohorder avec lui Cligés et trois cents bachelers grecs ' : inutile de dire que Cligès renverse le provocateur et accomplit, sous les yeux de Fénice, des exploits surprenants. Tous les Tiois (Alle- mands) se demandent qui il est, et bientôt le bruit se répand et vient jusqu'à Fénice qu'il est le neveu d'Alis, et que celui-ci avait promis de ne pas se marier pour que l'empire lui revînt. Fénice est satisfaite d'avoir si bien choisi l'objet de son amour, mais désolée de devoir en épouser un autre. Elle ne dort plus, devient pâle et perd toute sa gaieté.

Elle avait une maistre ^, appelée Thessala parce qu'elle était née en Thessalie,

Ou sont faites les deablies,

Enseigniees et establies ;

Et charmes et charaies font

Les femes qui del pais sont '. (V. 3007-10.)

Elle demande à Fénice quel'est son mal, lui promettant de la soulager ou par des remèdes ou par des sortilèges. Fénice lui dit que c'est un mal étrange, car elle en souffre et elle l'aime, et ne veut pas en guérir. Thessala reconnaît aussitôt que c'est le mal d'amour + et demande à Fénice une confidence complète. Celle- ci lui ouvre en effet tout son cœur : « J'aime, lui dit-elle, le neveu de celui que mon père me fait épouser. Et si celui-ci a joie de moi, j'ai, moi, perdu toute joie... J'aimerais mieux être

��1. Les hacheJers, — non encore chevaliers, — joutaient avec le bobort, sorte de grosse lance dont le fer n'avait pas de pointe.

2. Le poète oublie de nous dire, mais cela s'entend, que Fénice n'avait pas de mère.

3. Les magiciennes de Thessalie sont, on le sait, célèbres dans l'antiquité (voir Ovide, Horace, Properce, Juvénal, etc.) ; Chrétien s'est sans doute particulièrement inspiré du passage de Lucain (VI, 434 et suiv.) sur les Thessaliennes, quaruui, quidquid non créditât- ars est.

4. Ce passage, où Thessala parle du mélange d'aiiiertunie et de soatume qu'on éprouve en amour, est encore visiblement inspiré d'Énéas où se retrouvent même ces deux mots en rime.

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