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^02 LE ROMAN

fait. Ils décousent alors le suaire qui enveloppe Fénice et lui disent : « Dame, nous savons que vous n'êtes pas morte ; fiez- vous à nous, nous vous aiderons loyalement. » Mais comme elle ne répond pas, ils la tirent de la bière et la battent cruel- lement, puis lui adressent des menaces, et de nouveau des promesses, le tout bien entendu, sans plus de résultat : ils n'obtiennent d'elle ni un mot, ni un soupir, ni un mouvement. Ils se procurent alors du feu et du plomb et lui coulent du plomb fondu dans les paumes des mains ; enfin ils s'apprêtent à la « rôtir et griller », quand un millier de dames qui, par une ouverture de la porte, voient ce qu'ils font subir à ce pauvre corps, brisent la porte, saisissent les trois médecins et les jettent par les fenêtres dans la cour, où ils se brisent tout le corps: Ain:( miau:(^nc firent miles dames (y. 6050). Thessala cependant, entrée avec elles, relève Fénice, étendue toute nue auprès du feu, frotte ses plaies d'un précieux onguent et la rensevelit dans la bière. — Cette scène atroce et répugnante est en outre, au jugement de M. Fôrster, « incroyablement naïve » ; ce qu'il y critique surtout, c'est que, étant donné l'état où le breuvage a plongé Fénice, il est absurde d'essayer de lui arracher une parole ; à cela on peut répondre que les médecins ne savent pas qu'elle a pris ce breuvage, et qu'ils sont sous l'empire du sou- venir de la femme de Salomon, laquelle, — au moins dans la version qu'ils connaissaient, — n'avait pas pris de breuvage et faisait simplement semblant d'être morte ' ; mais l'invrai- semblance est précisément là : comment ces médecins merveil- leux ne s'aperçoivent-ils pas que Fénice est sous l'empire d'un stupéfiant et que, pour la faire revenir à la vie complète, il n'y a nul besoin de la torturer, et il suffirait d'attendre un cer- tain espace de temps ?

Cligès, quand il apprend ce que les médecins ont fait subir à Fénice craint qu'ils ne l'aient tuée ou grièvement blessée, et se désespère. Remarquons ici, que, par une nouvelle et bien sin-

��I. A vrai dire, ce souvenir n'aurait pas dû les encourager, puisque la femme de Salomon avait résisté à l'épreuve du plomb fondu, qu'ils essaient cependant de nouveau.

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