Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE 65

vivement sous les yeux du public les actes miraculeux des saints dont on chantait déjà la vie dans les églises (^Saint Léger, Saint Alexis, etc.); cependant l'accord que leur façon d'entendre la mise en scène présente avec celle des « mystères » propres fait croire qu'elles ont été faites à l'imitation de ceux-ci '. Pour expliquer l'introduction dans les mystères et les miracles latins de morceaux français, M. Suchier indique avec vraisemblance l'usage des « épîtres farcies », qui s'appliquait exclusivement à l'office des saints (principalement à celui de saint Etienne), et montre ainsi le rapport de deux genres qui, évidemment, bien que d'origine différente, étant nés tous deux dans l'Eglise, sont étroitement liés dès leur apparition, celui des « mystères » paraissant d'ailleurs plus ancien que l'autre.

M. Suchier parle (p. 278), comme tous ceux qui l'ont pré- cédé, du Jeu de la FeniUée comme étant l'œuvre d'Adam le Bossu, qui s'y serait mis lui-même en scène, ainsi que son père et (au moins indirectement) sa femme^ avec une liberté et parfois un cynisme qui ont donné matière à beaucoup de remarques et d'explications. Cependant M. A. Guesnon, dans ses étiides si intéressantes et si documentées sur la vie littéraire à Arras au xiii'^ siècle, a exprimé à deux reprises l'idée que l'attribution de cette curieuse pièce à Adam le Bossu peut très bien n'être pas fondée. Si cette idée, que le savant auteur n'a sans doute pas émise à la légère, était juste, il faudrait voir dans le Jeu Adam une raillerie dirigée contre Adam, et la pièce changerait abso- lument de caractère. On serait heureux de voir M. Guesnon donner les arguments qu'il a sans doute en réserve à l'appui d'une opinion aussi nouvelle et aussi intéressante[^].

A propos des « mystères », M. Suchier signale avec raison (p. 292) le fait que dans les plus anciens, rattachés aux fêtes de Pâques et de Noël, c'est-à-dire aux mystères de la Résurrection et de l'Incarnation (d'où leur nom), la personne du Christ ne figurait pas ; il pense toutefois qu'elle devait paraître dans

1 . Une remarque intéressante de l'auteur sur l'usage du Te Detini chanté à la fin des miracles comme des mystères joués à la messe du matin (p. 274), usage conservé même dans des œuvres toutes françaises et sorties de l'Église, montre bien le lien étroit des deux genres avec la liturgie.

2. [Cf. Romania, XXXII, 384 sqq., et Moyen Age, 1908, 63, n. 2.]

G. Paris. — Moveit âge. 5

�� �