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Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/93

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LA LITTÉRATURE NORMANDE AVANT l'aNNEXION 89

écrit des chroniques en vers se sont piqués d'exactitude ; le plus souvent, ils reproduisent avec fidélité des chroniques latines, et leurs œuvres ont droit d'être tenues en sérieuse estime par ceux qui s'occupent de ces époques pour lesquelles les documents sont trop rares » '. Là encore nous retrouvons les qualités que nous avons déjà reconnues, le sérieux, l'amour de l'instruction et de la vérité.

Un autre trait du caractère normand d'alors qui se reflète dans la littérature est la dévotion, non pas une dévotion exal- tée et mystique, mais une dévotion profonde, sincère et riche en œuvres. C'est à elle qu'on doit la fondation de ces belles abbayes qui devenaient des foyers d'instruction et de discipline, et d'où sortirent les réformateurs de l'Eglise anglaise ; c'est à elle qu'on doit l'érection de ces admirables églises romanes qui peuplent la Normandie. C'est elle aussi qui a inspiré plusieurs des œuvres poétiques de la vieille Normandie indépendante, et au premier rang la Vie de saint Alexis, cet admirable petit poème qui remonte sans doute à la première moitié du xi^ siècle, et qui suffirait à la gloire poétique de la Normandie médiévale. On l'a comparé à bon droit à une de ces églises dont je parlais : il en a la simplicité^ la grandeur, la grâce aus- tère, avec un mélange d'exquise et profonde sensibilité qui n'apparaît pas souvent dans les œuvres du même pays et du même temps, et qui touche d'autant plus qu'elle est plus dis- crètement exprimée '. L'auteur présumé de cette « amiable chançon », le chanoine de Rouen Tibaud de Vernon, avait, d'après un contemporain, composé en l'honneur de divers saints, et notamment de saint Wandrille, des urhanas cantilenas qui l'avaient rendu célèbre, et qui malheureusement ne sont pas arrivées jusqu'à nous. D'autres pieux récits en vers attestent le goût des Normands pour ces histoires édifiantes : j'ai déjà cité ceux de Wace ; plus d'une, certainement, parmi les vies anonymes des saints^ appartient à votre province. Il en est une qui mérite à peine ce nom^ car c'est une légende

��1. A. Héron, Trouvères noniiaiiils (Rouen, 1885, in-80), p. 23.

2. Sur les éditions de ce poème et les travaux dont il a été l'objet, voy. la note bibliographique au § 147 de ma Littérature française au moyen a'ge.

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