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LA LITTERATURE NORMANDE AVANT L ANNEXION 95

Si les es Ira bots étaient goûtés en Normandie, les jahleaitx (c'est ainsi qu'il faut dire et non jahliaux\^^ ne l'étaient pas moins. On a souvent cité les vers par lesquels sire Jean le Chapelain ouvre son conte du Sacristain : « C'est l'usage en Normandie que celui qui reçoit l'hospitalité dise à son hôte un fableau ou une chanson -. » Malheureusement les poèmes de ce genre ne s'écrivaient guère à l'époque ancienne qui seule nous intéresse en ce moment, et parmi les dix fableaux auxquels M. Bédier assigne une origine normande ', il n'en est peut-être pas un qui remonte au xii^ siècle; on peut cependant attribuer le conte où on rapporte l'amusante vengeance qu'à Acre, en 1193, un Normand tira d'un hôte malgracieux à un compatriote du héros de l'aventure ■*. Nous possédons du moins une œuvre où se montrent à la fois le goût des Normands pour les contes, leur amour des réflexions morales et leur aptitude à la traduc- tion : c'est la version poétique de la Disciplina ciericalis de Pierre Alphonse, vrai trésor de contes, presque tous orientaux, ras- semblés en Espagne par un juif converti ; cette mise en vers très bien tournés, non sans quelques variantes propres au traduc- teur, a dû être faite dans la Normandie occidentale au commencement du xiii^ ou même à la fin du xn" siècle >.

Le Roman de Renard, cette épopée comique qui a tant amusé nos pères, avait de quoi plaire aux Normands ; aussi ont-ils heureusement, et de bonne heure, collaboré à cette grande œuvre collective . L'une des plus jolies branches (II), où sont

��1. [Cf. ci-dessus, p. 55, n. 2.]

2. Recueil général et complet des fabliaux. . . par A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. VI (P.;ris, 1890), p. 117.

3. J. Bédier, Les Fabliaux (2^ éd., Paris, Bouillon, 1895, in-Si)), pp. 43, 440-442.

4. Recueil géueral des fabliaux, t. III, p. 170-174. Les éditeurs, n'ayant pas vu que la scène se passait à Acre, n'ont pas reconnu dans le roi qui v figure le comte Henri de Champagne, roi de Jérusalem de 1192 à 1196. M. Bédier (Les Fabliaux, p. 41) a mieux discerné ce quoi il s'agissait.

5. Sur les anciennes traductions françaises du livre de Pierre Alphonse, voy. la note bibliographique au § 73 de la Littérature française au moyeu dge.

6. Je désigne les branches d'après l'édition de M. E. Martin, Le Roman de Reuart (5 vol. in-80, Strasbourg, 1882- 1887).

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