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Page:Mémoires de Charlotte Robespierre sur ses deux frères.djvu/53

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frères. C’étaient des jours de bonheur et de joie pour nous. Mon frère Maximilien , qui faisait une collection d’images et de gravures , nous étalait ses richesses et était heureux du plaisir que nous éprouvions à les contempler. Il nous faisait aussi les honneurs de sa volière , et nous mettait entre les mains, les uns après les autres , ses moineaux et ses pigeons. Nous désirions vivement qu’il nous donnât un de ses oiseaux favoris ; nous le sollicitions avec prière ; il s'y refusa long-temps , dans la crainte que nous n’en eussions pas tout le soin possible. Un jour pourtant, il céda à nos instances , et nous donna un beau pigeon. Ma sœur et moi nous fûmes dans l’enchantement. Il nous fit promettre de ne jamais lui laisser manquer de rien ; nous le jurâmes mille fois , et tînmes parole pendant quelques jours , ou plutôt nous aurions toujours gardé notre serment, si le malheureux pigeon , oublié par nous dans le jardin; n’avait péri pendant une nuit d’orage. A la nouvelle de cette mort, les larmes de Maximilien coulèrent , il nous accabla de reproches que nous n’avions que trop merités, et jura de ne plus nous confier aucun de ses chers pigeons.

Voila soixante ans que par une étourderie d’enfant j’ai été la cause du chagrin et des larmes de mon frére ainé : eh bien! mon coeur en saigne en