Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/151

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on avait, par instants, des gaietés d’enfant. Nous faisions bien.

Combien de caricatures, de folies, de gamineries échangées ! Je crois que nous avons plus souvent ressemblé à des étudiants qu’à des institutrices.

Il me souvient d’un soir où nous avions essayé la méthode Danel où, comme en Angleterre et en Allemagne, le nom des notes est tiré des lettres de l’alphabet (avec cette différence qu’on les écrit sans portée) ; nous sortions tard de la rue Hautefeuille, il n’y avait plus d’omnibus et nous regagnions pédestrement nos réduits ; un imbécile se mit à me suivre ; haut monté, sur ses longues jambes de héron, je m’amusai d’abord à regarder, sous les réverbères, glisser cette ombre d’oiseau.

Puis, impatientée de l’entendre répéter de ces sottises à l’usage des gens qui ignorent si on leur répondra, ce qui me gâtait l’oiseau fantastique trottant sur ses longues pattes, je le regardai tout à fait en face et, de ma plus grosse voix, je me mis à descendre la gamme Danel : D, B, L, S, F, M, R, D !

L’effet fut foudroyant.

Était-ce l’accent un peu masculin ou les syllabes étranges formées par les quatre dernières