Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/18

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craquements s’échappaient du navire et des poitrines.

Nous aussi, notre navire, pareil à celui du vieux bardit des mers, est petit et la mer est grande !

Mais nous savons la légende des pirates : Tourne ta proue au vent, disaient les rois des mers, toutes les côtes sont à nous !

Je me rappelle que j’écris mes Mémoires, il faut donc en venir à parler de moi : je le ferai hardiment et franchement pour tout ce qui me regarde personnellement en laissant à ceux qui m’ont élevée (dans la vieille ruine de Vroncourt, Haute-Marne, où je suis née) cette ombre qu’ils aimaient.

Les conseils de guerre de 1871, en fouillant minutieusement jusqu’au fond de mon berceau, les ont respectés ; ce n’est pas moi qui troublerai le repos de leurs cendres.

La mousse a effacé leurs noms sur les dalles du cimetière ; le vieux château a été renversé ; mais je revois encore le nid de mon enfance et ceux qui m’ont élevée se penchant souvent sur moi, on les verra souvent aussi dans ce livre.

Hélas ! du souvenir des morts, de la pensée qui fuit, de l’heure qui passe, il ne reste rien !

Rien, que le devoir à remplir, et la vie à mener rudement afin qu’elle s’épuise plus vite.