Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/193

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J’avais, outre mes vêtements de femme, un costume de lignard et un de garde national ; des cartes dans mes poches, pour prouver à qui de droit d’où je venais ; et je m’en allais sans qu’il me soit jamais arrivé autre chose qu’une éraflure de balle au poignet, mon chapeau criblé et une entorse qui, longtemps foulée, m’obligea enfin à ne plus marcher pendant trois ou quatre jours et à réquisitionner une voiture.

C’était justement une calèche d’assez bonne mine ; nous y avions attelé assez bien aussi un cheval, malheureusement habitué aux coups ; il ne voulait pas marcher, la vilaine bête, en le traitant honnêtement.

La chose alla parfaitement, tant qu’il s’agit de suivre au pas un enterrement au cimetière Montmartre, mais après, il fallait aller ailleurs ; le maudit animal, non content de son petit train à dormir debout, s’arrêta tout court pour laisser le temps à un tas d’imbéciles de venir chuchoter tout autour : « Ah ! les voilà qui ont calèche ! ils font danser l’argent ! et ça doit coûter gros l’entretien de cette voiture-là ! » Attendez, dit un ami, ne descendez pas ! Je vais le faire trotter ! Il donna un morceau de pain et des encouragements à ce monstre, qui se mit à mâchonner en levant les lèvres comme s’il