Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/442

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— Évidemment il n’y était pas.

— Parbleu ! on savait fort bien qu’on n’avait aucune chance de le trouver là.

— Eh bien alors, à quoi bon ?

— Que vous êtes naïf ! Ne vous ai-je pas dit qu’il demeurait avec sa famille ? Or, à quoi sert une famille si elle ne sert pas à dénoncer et à livrer les siens ?

On pénètre un peu brutalement, cela va sans dire, dans le petit cottage entouré d’un jardin de la rue Fazilleau. Ah ! tenez, je ne sais si ma plume aura le courage d’achever. L’autre jour, une affaire m’appelait à Levallois ; j’ai passé dans cette rue ; arrivé devant cette maison dont le numéro me revint soudain à la mémoire, je fus forcé de m’arrêter quelques minutes. Le sang me montait au cerveau, la sueur coulait de mon front, un simple souvenir faisait gronder en moi des flots de colère et de rage.

Pardonnez-moi cette émotion involontaire ; car cette indignation, cette colère, cette rage, vous allez les partager. Je continue :

On entre. Le père était parti pour son travail quotidien, il ne restait là que deux femmes, la vieille mère et la jeune sœur de l’homme que l’on recherchait.

Cette dernière, Mlle  Ferré, était au lit, malade, dangereusement malade, en proie à une fièvre ardente.

On se rabat sur Mme  Ferré ; on la presse de questions, on la somme de révéler la cachette de son fils. Elle affirme qu’elle l’ignore et que, d’ailleurs, la connût-elle, on ne pouvait pas exiger d’une mère qu’elle se fît la dénonciatrice de son propre fils.

On redouble d’instances ; on emploie, tour à tour, la douceur, la menace.

— Arrêtez-moi, si vous voulez, mais je ne puis vous dire ce que j’ignore, et vous n’aurez pas la cruauté de m’arracher d’auprès du lit de ma fille.