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les enfants et moi, des pluies de larmes tombant des yeux.

J’ai retrouvé cette impression à Nouméa la dernière année de mon séjour en Calédonie.

C’était le 14 juillet, j’étais à cette époque chargée du dessin et du chant dans les écoles de filles de la ville.

M. Simon, le maire par intérim, voulut que les enfants chantassent la Marseillaise, entre les deux coups de canon du soir, dans le kiosque ouvert de la place des Cocotiers.

La nuit était tombée tout à coup : il n’y a dans ces régions ni crépuscule ni aurore.

Les palmiers bruissaient doucement, remués par le vent, les girandoles éclairaient un peu le kiosque, laissant dans l’ombre la place où l’on sentait la foule — une foule noire et blanche.

Devant le kiosque, la musique militaire.

Mme Penand, la première institutrice laïque qui vint dans la colonie était debout près de moi, ainsi qu’un artilleur qui devait chanter avec nous ; les enfants rangés en cercle nous entouraient.

Après le premier coup de canon il se fit un tel silence que le cœur cessait de battre.

Je sentais nos voix planant dans ce silence, cela faisait l’effet d’être emporté par de grands