Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/102

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ques airs ; il m’a promis de me donner des leçons de chant.


BILLET DE MADAME D’ÉPINAY À MADAME DARTY.

J’ai été un peu grondée, ma reine, d’avoir passé deux jours de suite chez vous ; moyennant cela, je n’ose aller vous voir aujourd’hui. Si vous sortez, passez un moment chez moi, comme par hasard. Mais non, ne venez pas, car cela donneroit encore de l’humeur à mes parents ; j’aime mieux être privée du plaisir de votre société aujourd’hui, afin d’en jouir plus à mon aise demain. Adieu. Je ne sais comment cela se fait, mais je ne puis plus me passer de vous. Si vous voyez Francœur, dites-lui de venir me voir.


RÉPONSE DE MADAME DARTY.

Cela est, en effet, bien scandaleux de voir deux femmes passer leur journée et veiller tête à tête ; en vérité, vos parents sont fous. S’ils veulent encore s’opposer à notre liaison, je louerai un appartement aux Capucins[1] ; je vous regarderai toute la journée sur votre balcon, et s’ils met-

  1. M. de Bellegarde et M. d’Épinay habitaient alors rue Saint-Honoré un hôtel situé en face du couvent des Capucins. Ceux-ci, voisins des Feuillants dont le nom devint célèbre pendant la Révolution ainsi que celui des Jacobins, occupaient l’emplacement sur lequel a été ouverte la rue Castiglione. En 1751 avaient été rebâtis le portail et le mur de clôture du couvent, sur la rue Saint-Honoré. Ce couvent était considéré par les Capucins comme le plus ancien qu’ils eussent bâti en France ; ils y avaient été établis par Catherine de Médicis. On remarquait dans leur église une belle Assomption de Lebrun et divers tombeaux, entre autres celui du capucin-maréchal de France, le P. Ange de Joyeuse,

    Qui prit, quitta, reprit la cuirasse et la haire.


    et celui du P. Joseph, le bras droit et le plus ferme conseiller de Richelieu.