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Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/127

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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE III.

ner le projet du contrat. Tandis qu’il y travaillera, nous irons faire part du mariage à toute votre famille, et nous retomberons chez vous, où nous signerons. Quant aux apprêts de la noce, ajouta-t-il encore, il n’en faut point : nul bruit, nul éclat, c’est mieux ; et autant d’argent d’épargné. »

Vous connoissez assez M. de Bellegarde, mon cher tuteur, pour juger qu’il se rendit aisément à toutes ces mauvaises raisons ; elles flattoient trop son goût pour la tranquillité, pour n’en être pas séduit. Ma mère le tira cependant à part pour le conjurer de suspendre ; elle n’en put tirer d’autre réponse que : « Eh ! ma sœur, voilà comme vous êtes ; on diroit que vous croyez que M. de Rinville veut m’attraper. Non, non, je rougirois d’hésiter un instant à suivre son avis. » La joie étoit peinte dans les yeux de ce bon père ; il sortit, l’instant d’après, avec M. de Rinville, pour suivre l’arrangement projeté.

Je passe au moment où nous nous trouvâmes tous rassemblés pour la signature de ce contrat. Rien n’étoit plus plaisant que de voir l’air d’étonnement répandu sur tous les visages de ces deux familles presque inconnues l’une à l’autre. On avoit un ton de réserve, de méfiance et d’inquiétude qui donnoit à chacun l’air de la stupidité. Pendant la lecture, la marquise tira de sa poche deux écrins de diamants qu’elle remit à sa bru, en présent de noce. La valeur en est restée en blanc dans le contrat, faute d’avoir le temps d’en faire faire l’estimation. Tout le monde signa ; on se mit ensuite à table, et le jour de la noce fut fixé au lundi suivant.

Madame Darty est venue me voir ce matin ; elle m’a appris que la marquise d’Houdetot est une joueuse de profession, ainsi que le comte son fils ; que leur maison