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Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/204

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MÉMOIRES DE MADAME D’ÉPINAY.

ans, et c’est la nécessité d’essuyer une injustice, et la perspective d’y être pendu, qui l’y a ramenée[1].


lettre de madame d’épinay à m. de francueil.

Mon ami, nous sommes perdus ! Je suis désolée ; que devenir ? Une exécrable créature, une créature infernale a tout mandé à M. d’Épinay ; il sait tout. Je viens de recevoir une lettre de lui. Cela est affreux ; mais il ne peut y avoir que mademoiselle d’Ette qui sache… Ne la soupçonnez pas cependant ; ce n’est sûrement pas elle ; je ne me pardonnerois pas d’en avoir l’idée, et je vais tout à l’heure, en toute confiance, lui porter ma lettre. Peut-être a-t-elle commis quelque indiscrétion ? Non, cela ne se peut pas non plus ; elle m’aime trop. Je reconnoîtrois plutôt à cette infamie la plus sotte et la plus impertinente des parentes[2]. Mais comment auroit-elle su ?

M. d’Épinay me raille sur les ressources de ma solitude ; il me fait des reproches sur mon silence. Lui, des reproches ! Cela lui va bien. Il en sait, dit-il, la cause. Il voit avec peine que son retour fera mon malheur et le sien. Il me conseille de bien ménager mes dupes ; elles ne le seront pas toujours. Il dit encore que, si je n’y prends garde, les veilles cachées dérangeront ma santé,

  1. Il y avait plus de quatre ans qu’il avait quitté son poste de secrétaire de l’ambassadeur de Venise. (V. le livre VII des Confessions et, dans la Correspondance, les lettres à M. du Theil, écrites au mois d’août, de septembre et d’octobre 1744.)
  2. Madame d’Épinay veut très-probablement parler de sa belle-sœur, madame Pineau de Lucé, la femme de l’intendant, nommé à Tours en 1743, à Valenciennes en 1745, et qui, en 1752, allait devenir intendant d’Alsace. Cette belle-sœur, fille aînée de M. de Bellegarde, l’avait effectivement rendue très-malheureuse quand elles vivaient ensemble.