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Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/215

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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE III.

entre le soin de mon père, de ma mère et celui de mes enfants ; car j’ai ma fille auprès de moi depuis sa petite vérole. Je donne les soirées à Francueil, soit en causant avec lui, soit en lui écrivant, les jours qu’il consacre de son côté à son père.

M. de Bellegarde étoit hier fort en colère contre le comte d’Houdetot, parce qu’il a manqué par négligence l’acquisition d’une très-belle terre. M. de Bellegarde s’étoit donné de grands mouvements pour la réussite de cette affaire. Le comte a cru s’excuser en en proposant une autre du même prix à vendre en Normandie, dont l’acquisition étoit aussi sûre et les droits[1] étoient aussi beaux ; mais comme M. de Bellegarde avoit exclu nommément cette province et cette coutume[2], qu’il en avoit même fait une clause du contrat de mariage, il n’a pas trouvé la plaisanterie bonne. On m’a assuré que le comte avoit été rompre à l’insu de son beau-père le marché que celui-ci avoit fait pour lui, parce qu’il étoit bien décidé, malgré toutes les clauses et contrats possibles, de n’acheter jamais qu’en Normandie. On prétend même qu’il est résolu à plaider contre M. de Bellegarde plutôt que d’en démordre.


lettre de madame d’épinay à m. le marquis de lisieux.

En vérité, je crois qu’un génie malfaisant me poursuit et travaille sans cesse à me priver du repos et des con-

  1. Des droits seigneuriaux. La liste en était longue, qu’ils fussent d’utilité, de puissance ou d’honneur.
    (V. Paul Boiteau, État de la France en 1789, page 26.)
  2. La coutume, c’est-à-dire les lois civiles spéciales à la Normandie.