Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/29

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l’épouse chérie d’un homme que l’on aime et pour qui l’on a souffert ! Non, je ne puis croire encore à mon bonheur. Vous me plaigniez il y a quelque temps, dans l’idée que je mourrois d’ennui dans la maison de mon beau-père, lorsque j’aurois une fois commencé à voir le monde ; ah ! que vous vous trompiez, ma cousine ! Les seuls momens désagréables que j’aie eus depuis mon mariage sont ceux qui ont été employés à recevoir des visites ou à les rendre. Quelle heureuse situation que la mienne ! mon cœur pourra-t-il suffire à tant de bonheur ? Il y a des momens où il ne peut soutenir tous les mouvemens qui l’agitent. Y a-t-il un fils plus respectueux, plus tendre, que M. d’Épinay, un mari plus… Ah ! ma cousine, les termes me manquent, et puis que vous dirai-je ? Ce sont mille choses que je ne puis exprimer, mais que je sens bien ! Je voulois vous rendre compte du plan de vie que se propose M. d’Épinay. Il compte, lorsque le temps de ses tournées sera fini, d’abord épargner pendant les six ans qu’il va voyager, et puis, si nous sommes en état d’avoir notre ménage, nous nous y mettrons. Nous viendrons deux fois la semaine dîner chez nos parents. Nous aurons, dit-il, deux soupers et un dîner par semaine. Il veut un dîner indépendamment des deux soupers, parce que c’est le repas que je préfère. Qu’il est bon ! Est-ce que je ne mènerai pas la vie qui lui conviendra le mieux ? Je le lui ai dit ; cela ne fait rien, il insiste sur le dîner. Ensuite nous aurons un concert, où tous les gens de notre connoissance pourront venir, et deux autres jours où nous aurons seulement quelques musiciens pour nous amuser à porte fermée. Bon ! j’oubliois le sujet pour lequel je voulois vous écrire : je compte aller demain dîner chez vous avec