Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/95

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rien, le papier me tomba des mains, et je me jetai à son cou. « Serez-vous encore injuste, mon Émilie ? me dit-il — Non, non, jamais, je vous le jure ; mais aussi pourquoi cet effroi ce matin, quand je suis arrivée ? — Ah ! plus de question… Pourquoi ? vraiment, pour vous éprouver ; mais tout est dit, je ne réponds plus. »

Depuis que la nuit m’a laissé le temps de la réflexion, hélas ! je ne sais que penser ; il y a là-dessous, il faut

    en Bavière et s’y distingua, mais c’est surtout en 1744, lorsqu’il remporta sur les Piémontais la brillante victoire de Coni que l’on crut voir renaître en lui la gloire d’un Condé. Le 6 août 1744 Louis XV, qui allait tomber si dangereusement malade à Metz, porta le soir sa santé en buvant : « À mon cousin le grand Conti ! » Ce triomphe ne dura pas, et les années suivantes, après avoir commandé l’armée du Bas-Rhin et celle des frontières d’Allemagne, dégoûté du service pour quelque raison que ce soit, Conti revint vivre dans son hôtel de Paris ou dans sa belle campagne de l’Ile-Adam.


    À l’époque où notre texte nous conduit, il venait justement de refuser de s’entendre avec le maréchal de Saxe et de quitter ses troupes.


    Le parti des philosophes et J.J. Rousseau lui ont fait une réputation d’esprit politique et de fermeté qui dura tant qu’il vécut et dont il ne parait pas qu’il fut indigne. Mais tel n’était pas le jugement des gens de cour qui ne voyaient en lui qu’un mécontent dont on avait trop vanté les talents militaires et qui n’avait renoncé au service que parce qu’il ne pouvait s’y soutenir. On peut le voir, en lisant Besenval, lorsqu’il parle de la résistance opposée par Conti aux coups d’État qui, en 1768, sous l’influence du même Maupeou dont ici nous voyons figurer la femme, bouleversèrent l’état entier de la magistrature française.


    « M. le prince de Conti, dit-il, qui, dans sa jeunesse avait étudié pour être roi de Pologne, et qui n’était parvenu, dans sa studieuse retraite, qu’à être tyran de l’Ile-Adam, et par ses lectures, qu’à une nomenclature de mots techniques, dont il surchargeait sa conversation, était, depuis longtemps, brouillé avec la cour, où il n’allait pas. Il n’eut garde de ne se pas faire l’âme du parti de l’opposition : il n’en avait pas d’autre à prendre pour être cité ; et le reste de femmes qu’il tenait à sa pension, ainsi que celles à qui il donnait du thé le dimanche, l’appelèrent le défenseur de la patrie. » Il ajoute en note :


    « M. le prince de Conti, dans le sein de la vie dissipée de Paris, conçut la chimère d’être roi de Pologne. Pour s’en rendre capable, et pour fuir ses créanciers, il se renferma à l’Ile-Adam avec mademoiselle Darti