Page:Mémoires de Suzon soeur de D. B., 1830.djvu/73

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C’était aussi pour n’avoir point à redouter ma langue, qu’elle chercha à m’éloigner de la maison à quelque prix que ce fût. Je n’étais pas moi-même fort mécontente d’en sortir. Je menais une vie trop malheureuse dans notre village pour désirer d’y rester ; si je sortais, l’on me montrait au doigt avec toutes les marques qui accompagnent le mépris.

Si je restais à la maison, ma mère, quand elle était seule, me faisait souffrir de l’humeur qu’elle avait de ne pas recevoir de visite. À quoi passiez-vous donc votre temps, me dira le lecteur ? J’avais pour tout plaisir mes dix doigts, que je fatiguais tour à tour. En un mot, je me branlais du soir au matin ; je le faisais tant et si souvent que le plaisir n’avait plus rien de piquant pour moi, ma santé même périclitait de ce petit manège.

Encore que cette ressource fasse passer aux filles des momens bien doux, je leur

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