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Page:Mémoires de l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse - 1901 - tome 1.djvu/328

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séance publique.

de Juillet et de la République[1]. Les souvenirs de mon adolescence me reportent à ces protestations, et j’en vis presque immédiatement le bien fondé. J’étais élève de la classe de philosophie et devais, par conséquent, apprendre l’histoire contemporaine pendant la guerre de 1870-71. L’infirmerie du lycée de Dijon, convertie en ambulance pour les officiers allemands, était directement au-dessus de notre classe, et de temps en temps pouvaient parvenir à nos oreilles les gémissements de quelque blessé : dans nos mains, le livre de M. Ducoudray, alors tout à la louange du gouvernement qui venait de tomber ; dans la chaire, un professeur, d’ailleurs fort honnête homme et archéologue distingué, enfant de la Savoie devenu Français en 1860, resté très attaché à l’Italie, ne dissimulant nullement son admiration pour Garibaldi et les idées garibaldiennes ; les élèves partagés en camps divers, discutant entre eux ou avec le maître, voilà de ces scènes qu’on n’oublie guère. J’y cherche en vain cette vertu d’apaisement qu’on se plaît à attribuer à l’étude des lettres : Ingenuas didicisse artes emollit mores[2] ?. — On me racontait dernièrement une anecdote que je vais vous narrer à mon tour. Jadis, dans un établissement du Midi, le professeur entamant l’histoire de la Terreur, voit à sa grande surprise un élève pleurer bruyamment. « — Qu’avez-vous, mon ami ? » interroge-t-il. Point de réponse. Sanglots toujours plus bruyants. Enfin, un camarade, un compère, si vous voulez, prend la parole : « Monsieur, X… a eu son grand-père guillotiné sous la Révolution. Ça lui fait toujours cet effet quand on lui parle de la Terreur ! » Le professeur, embarrassé, remit à une autre

  1. M. Duruy disait, il est vrai : « Respectons les hommes qui ont, avant nous, porté le poids du jour pour que nous soyons respectés à notre tour malgré nos fautes… » II ajoutait : « Je n’ai pas besoin de vous dire qu’en instituant ce cours nouveau, le gouvernement ne songe pas à faire de tous nos professeurs d’histoire des avocats intéressés et aveugles d’une cause qui n’est plus à gagner… » Instruction aux Recteurs du 24 sept. 1863 (Bull. adm. du Min. de l’Instr. publique, no 165, sept. 1863, p. 297.)
  2. « J’ai toujours trouvé à l’histoire une grande vertu d’apaisement… » V. Duruy, même Instruction, p. 298.