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que la Loi Salique excluait les femmes, non pas précisément du trône de France, mais des successions immobilières. J’ajoute que, encore à la fin du XIIIe siècle, dans certaines régions de l’Est, en pays bourguignon, on qualifiait Loi Salique l’usage qui excluait les filles de tout droit à la succession de leur père[1]. Des écrivains ou des orateurs habitués à ce langage auraient donc pu assez légitimement transporter cette façon de parler du droit civil au droit public, des successions privées aux successions royales. Mais tout indique qu’on ne s’exprima pas de la sorte au moment où s’ouvrirent les successions litigieuses à la couronne de France[2]. Aucun témoignage en ce sens n’a été produit jusqu’à ce jour.

Avant d’aborder l’histoire des grands débats qui ont fondé sur ce point notre droit constitutionnel, je voudrais savoir sous quel aspect pouvait se présenter à l’esprit des contemporains du roi Louis X la question du droit des femmes à la couronne.

Jamais une femme n’avait régné en France et tout récemment, à la fin du XIIIe siècle, un théologien célèbre avait eu l’occasion d’exposer en termes fort remarquables le principe de l’exclusion des femmes[3]. Cependant ce principe ancien avait

  1. Voir des exemples des années 1185 et 1296 dans Hisely, Histoire du comté de Gruyère, Introduction, Lausanne, 1851, p. 341.
  2. Une négation absolue est toujours périlleuse. Aussi je me contente de dire qu’on n’a produit jusqu’ici aucun texte de cette époque où la Loi Salique soit alléguée.
  3. « Consilium mulierum, ut dicitur primo Politicorum, est invalidum, nam sicut puer habet consilium imperfectum quia deficit a perfectione viri, sic etiam fœmina habet invalidum consilium quia habet complexionem invalidam et déficit a valetudine viri. » (Gilles de Rome, De reg. princip., l. II, 1a pars, c. xxiii.) « Oportet autem talem dignitatem (la dignité royale) magis transferre ad masculos quani ad fœminas, quia masculus est fœmina ratione præstantior, corde animosior, passionum minus insecutor. » (Ibid., 2a pars, c. v.) Ces passages impliquent-ils l’exclusion absolue des femmes ? On pourrait à l’extrême rigueur les appliquer à une simple préférence pour les mâles, en cas d’égalité de degré.