si ce n’est pas encore Lucrèce que j’entends ; et contre ces retours à la vieille doctrine du hasard les vieilles réponses de Fénelon, légèrement modifiées, me paraissent très-bonnes à relire. « J’entends certains philosophes me dire que tous nos discours sur l’art qui éclate dans la nature n’est qu’un sophisme perpétuel. Dans tous les êtres, me diront-ils, les organes sont appropriés aux fonctions, il est vrai ; mais vous en concluez mal à propos que ces êtres ont été faits avec art. Il est vrai que chaque être se sert des organes que la nature lui fournit et qui lui sont commodes ; mais la nature n’a pas fait ses organes tout exprès pour sa commodité. Par exemple, des villageois grimpent tous les jours par certaines pointes de rochers au sommet d’une montagne ; il ne s’en suit pas néan-
résultat, vous n’avez pas le droit de conclure qu’il n’est pas un but. Faudrait-il donc, pour que vous reconnaissiez un but et un choix, qu’il y eût dans la nature des effets sans cause, ou des effets disproportionnés à leurs causes ? Des causes finales ne sont pas de miracles ; pour atteindre un certain but, il faut que l’auteur des choses ait choisi des causes secondes précisément proportionnées à l’effet voulu. Par conséquent, quoi d’étonnant qu’en étudiant ces causes, vous puissiez en déduire mécaniquement les effets ? Le contraire serait impossible et absurde. Ainsi expliquez-nous tant qu’il vous plaira qu’une aile étant donnée, il faut que l’oiseau vole, cela ne prouve pas du tout qu’il n’ait pas des ailes pour voler. De bonne foi, si l’auteur de la nature a voulu que les oiseaux volassent, que pouvait-il faire de mieux que de leur donner des ailes ? (Revue des Deux Mondes, 1er Décembre 1863).