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éloge

Son goût pour l’anatomie se réveilla avec vivacité dans une occasion où il s’agissait de faire entrer à l’académie, dans la section consacrée à cette science, un homme qui s’était distingué davantage en chimie, le célèbre Fourcroy. Le duc de la Rochefoucault qui avait été son élève, Condorcet ami du duc, Vicq-d’Azyr protecteur particulier de Fourcroy, Daubenton protecteur de Vicq-d’Azyr, le portaient avec chaleur. La discussion s’anima au point que l’on en vint à soutenir que l’anatomie était une science faite où il n’y avait plus rien à découvrir, et dont il était à-peu-près inutile que l’on s’occupât à l’académie des sciences.

C’était sans doute quelqu’une de ces assertions sans conséquence que l’on se permet trop souvent dans la chaleur de la dispute, mais M. Tenon prenait tout au sérieux, et ne lâchait jamais prise. Il fit un Mémoire ; on lui répondit ; il répliqua ; on échangea encore dix autres écrits. Voulant enfin prouver par le fait combien il restait encore à apprendre, il se mit à développer plusieurs de ses premiers aperçus. À chaque séance, il apportait des objets inconnus ; il en indiquait d’autres à rechercher. Son intention était, si l’on eût empêché l’impression de ses Mémoires, de passer à Londres, d’y publier chaque trimestre quelque écrit nouveau, et de les terminer tous par ce refrain : Voilà ce qui prouve que l’anatomie n’est pas aussi avancée qu’on le croit à l’académie des sciences. Heureusement le baron de Breteuil arrêta ce scandale. Il fit imprimer, aux frais du gouvernement, le premier Mémoire de M. Tenon, et l’engagea à consentir à la suppression des autres.

S’il y eut quelque passion dans la manière dont notre académicien défendit une cause d’ailleurs si juste : l’anatomie, la physiologie et l’histoire naturelle doivent également s’en féliciter ; car elles ont peu de travaux comparables à celui qu’il commença dès-lors et auquel il consacra le reste de sa vie.

L’idée principale qui le dirigea fut d’appliquer à l’histoire d’un organe sain, la même méthode d’observations successives et