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éloge

Il nous peint, dans ses Mémoires, cette maison qui n’aurait dû être que le refuge de la pauvreté modeste, comme une espèce de république de huit mille femmes, qui n’étaient pas toutes vieilles, gouvernées par des religieuses, des prêtres et des commis, se divisant en factions et en cabales ; brouillant leurs supérieurs, venant quelquefois à bout d’en perdre. On aurait dit une petite ville d’Italie dans le moyen âge.

Mais, si ce n’était pas un lieu de repos, c’était une source d’instruction, d’expérience et de fortune. La nature des maladies qu’il était censé y apprendre à connaître lui procura une clientelle nombreuse, composée toute entière, comme il le dit lui-même, de mauvaise compagnie ou de très-bonne. Les élèves n’abondèrent pas moins que les malades, et, après six ans de ce service, il rentra à Paris l’un des chirurgiens les plus occupés et l’un des professeurs les plus renommés.

On lui donna, en 1757, au collége de chirurgie, la chaire qu’avait remplie Andouillé, et il l’a exercée 25 ans. La solidité caractérisait son enseignement plus que l’éloquence ; mais, au degré où il la portait, elle lui valut presque autant d’affluence. Une attention en quelque sorte religieuse à ne rien dire de hasardé, et à ne rien omettre de certain ; les faits nombreux observés par lui, dont il enrichissait ses leçons ; les objets matériels, les représentations en relief, ou en peinture, dont il les accompagnait, les consultations gratuites dont il les faisait suivre, lui procurèrent chaque année plus de mille auditeurs. Ce fut comme le membre de l’école le plus considéré, qu’en 1775, on le chargea d’inaugurer ce bel amphithéâtre, chef-d’œuvre de Gondouin et l’un des superbes monumens de cette capitale. La chirurgie le devait à un legs de Lapeyronie, mais Lapeyronie avait dû à Louis XV sa fortune et les moyens de la consacrer au bien de son art. Louis XV venait de mourir ; et ce fut à célébrer ses bienfaits que M. Tenon consacra son discours.