Lagrange était né pour inventer et pour agrandir toutes les sciences de calcul. Dans quelque condition que la fortune l’eût placé, ou pâtre ou prince, il aurait été grand géomètre ; il le serait devenu nécessairement, et sans aucun effort : ce qu’on ne peut pas dire de tous ceux qui ont excellé dans cette science, même dans les premiers rangs.
Si Lagrange eût été contemporain d’Archimède et de Conon, il aurait partagé la gloire des plus mémorables découvertes. À Alexandrie il eut été rival de Diophantes.
Le trait distinctif de son génie consiste dans l’unité et la grandeur des vues. Il s’attachait en tout à une pensée simple, juste et très-élevée. Son principal ouvrage, la Mécanique analytique, pourrait être nommée la Mécanique philosophique ; car il ramène toutes les lois de l’équilibre et du mouvement à un seul principe ; et ce qui n’est pas moins admirable, il les soumet à une seule méthode de calcul dont il est lui-même l’inventeur. Toutes ses compositions mathématiques sont remarquables par une élégance singulière, par la symétrie des formes et la généralité des méthodes, et, si l’on peut parler ainsi, par la perfection du style analytique.
Lagrange n’était pas moins philosophe que grand géomètre. Il l’a prouvé, dans tout le cours de sa vie, par la modération de ses désirs, son attachement immuable aux intérêts généraux de l’humanité, par la noble simplicité de ses mœurs et l’élévation du caractère, enfin par la justesse et la profondeur de ses travaux scientifiques.
Laplace avait reçu de la nature toute la force du génie que peut exiger une entreprise immense. Non-seulement il a réuni dans son Amalgeste du 18e siècle ce que les sciences