Il comprit donc, comme Voltaire l’a dit de Condorcet, que des découvertes durables pouvaient l’illustrer autrement qu’une compagnie d’infanterie.
Cette nouvelle résolution n’était guère moins courageuse que la première ; réduit à une pension alimentaire de 400 fr., il essaya de se faire médecin, et en attendant qu’il eût le temps d’études nécessaires, il travaillait tristement pour vivre dans les bureaux d’un banquier ; ses méditations, les contemplations auxquelles il se livrait, le consolaient cependant, et quand il trouvait l’occasion de communiquer ses idées à quelque ami, de les discuter, de les défendre contre les objections, le monde actuel n’était plus rien pour lui ; dans sa chaleur, il oubliait toutes les peines de son existence. Ainsi tant d’hommes, devenus les lumières du monde, ont passé leur jeunesse. C’est trop souvent dans la pauvreté que naît le génie ; mais il a en lui-même un principe de résistance contre l’infortune ; l’adversité en est peut-être l’épreuve la plus sûre, et les jeunes gens dans le malaise ne doivent jamais oublier que Linnæus se préparait à être le réformateur de l’histoire naturelle, en recollant, pour les porter, les vieux souliers de ses camarades.
Enfin, après avoir mis dix ans à se préparer, M. de Lamarck se fit subitement connaître du monde et des savants par un ouvrage d’un plan neuf et d’une exécution pleine d’intérêt.
Depuis long-temps, en suivant les herborisations ou en visitant le Jardin du Roi, il se livrait avec ceux qui étudiaient la botanique en même temps que lui, à des discussions vives, sur l’imperfection de tous les systèmes de distribution alors en vogue, et sur la facilité d’en créer un qui conduirait plus purement et plus promptement à la détermination des plantes.